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LA TEMPeTE DU 21e SIECLE

LA TEMPÊTE DU 21e SIECLE

 

La tempête du 21e siècle

 

 

En mars 2008, le Québec enregistrait une de ses plus importantes tempête de neige. Je me souviens encore de cet épisode marquant pour le jeune immigrant que j’étais. Petit retour en arrière…

 

 

« La tempête du 21e siècle. » Ce n’est pas moi qui le dis, mais le journal La Presse, au lendemain de la tempête de neige qui a frappé le Québec, le 8 mars 2008. Derrière ce gros titre écrit en rouge, un épisode noir et blanc que j’ai personnellement vécu. Blanc parce qu’il est tombé plus de 50 cm de neige par endroits dans la Belle Province (une trentaine à Montréal). Noir, parce que ces chutes importantes ont plongé des milliers de foyers dans l’obscurité. 

 

 

Photo : Olivier Pierson

 

 

 

Qui aurait cru que la journée internationale de la femme coïnciderait avec cette sortie en fanfare de Dame nature ? 

 

Ça s’est produit un samedi. La poudrerie a commencé à tomber mollement en fin de matinée. Le vent s’est invité dans la danse, à souffle feutré.

 Quelques heures plus tard, le tango était devenu un rock and roll. Moi, j’avais eu la bonne idée de braver le froid pour aller encourager l’équipe du Canadien de Montréal dans un bar du boulevard Saint-Laurent, véritable frontière entre l’est et l’ouest de la métropole. Je sirotais quelques bières avec un ami français. Sur le grand écran, les hockeyeurs montréalais arrachaient une victoire peu convaincante aux dépens des Kings de Los Angeles. Je me revois de temps à autre jeter un œil à travers la vitre située derrière moi, histoire de prendre le pouls de la situation. Dehors, la chaussée s’épaississait à vue d’œil, tandis que la chorégraphie échevelée du vent transparaissait sous le halo des lampadaires. 

 

 

Photo : Olivier Pierson

 

 

 

À la fin du match, il a bien fallu se résigner à regagner nos pénates. Le métro, enfin l’oasis souterrain devrais-je dire dans cette nuit déchaînée, se trouvait à une quinzaine de minutes à pied. C’est une fois dehors que j’ai compris que ce 8 mars 2008 laisserait une trace dans les statistiques, en faisant face aux bourrasques de vent, de neige, et de grésil. Ah, le grésil, un bonheur quand le vent atteint 90 km/h. Il vous picore le visage et vous oblige à marcher tête baissée, une main sur la capuche, et quelques jurons en réserve quand ce mélange détonant met votre patience à rude épreuve. 

 

On a donc marché, cahin-caha, plutôt amusés par ce qui se tramait dans ce décor de polystyrène. J’ai fait une croix sur la séance ciné que j’avais programmée ce soir-là. Les bourrasques ont continué à souffler ainsi une bonne partie de la nuit. De mon balcon, j’ai assisté au ballet neigeux avec un certain enchantement. Momifiées par l’enfer blanc, les rues de Montréal rejouaient la magie de Noël, quand les flocons recouvrent le béton et que la lumière des lampadaires transfigure la torpeur moelleuse. 

 

 

Photo : Olivier Pierson

 

 

 

Le lendemain, le charme opérait toujours. C’était Beyrouth dans ma rue et les trottoirs étaient devenus des tranchées. À trois semaines du printemps, l’hiver québécois nous avait offert un joli baroud d’honneur. Un autre ballet s’était alors mis en branle. Celui des riverains, avec leurs pelles pour dégager leur voiture. Vous n’imaginez pas à quel point cet objet est précieux au Québec à cette période de l’année. C’est sous un ciel bleu et un soleil radieux que les Québécois avaient mis la main à la pâte, dans une ambiance souvent conviviale et empreinte de solidarité. 

 

En revenant de la boulangerie, j’avais goûté moi-aussi à la sueur que procure un pelletage en règle. J’avais rejoint la cohorte des esclaves de la neige, impatient de me fondre dans la masse et d’apporter ma contribution. Cette effervescence dominicale était agréable à vivre. Le bruit sourd des pelletées, le frottement d’une roue à la dérive sur la neige, les véhicules presque enfouis et pris au piège par le ressac des chasse-neige, sont autant d’images qui font partie intégrante du musée des sensations québécoises. 

 

Le Québec et ses tempêtes de neige. La montagne à la ville. Et des naufragés plein les trottoirs. 

 

 

 

Photo : Olivier Pierson

 

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Petit rappel des faits

 

La tempête du XXIe siècle a provoqué une centaine de sorties de route et privé de courant près de 90 000 foyers dans l’est du Québec. Quatre-vingt routes ont été fermées, ainsi que trois portions d’autoroute. Cette 8e tempête de l’hiver 2007-2008 s’est surtout distinguée par la force de ses vents : 96 km/h à Montréal et 133 km/h sur l’île d’Orléans, près de Québec. Côté précipitations, 1971 reste l’année de la tempête du siècle. Elle avait enfoui Montréal sous 50 cm de neige ! 

 

À Montréal, l’édition hivernale 2007-2008 est restée dans les annales, avec 34 000 plaintes et commentaires à la ville, 9 opérations de déneigement, 86 jours de chutes de neige… Il a aussi fallu ajouter 22 endroits de dépôt de neige, en plus des 29 habituels. 

 

À noter que la ville de Québec a battu cette année-là un record avec une accumulation de 558 cm entre novembre 2007 et avril 2008.

 

Olivier PIERSON.